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La réforme du droit des obligations : la théorie de l’imprévision et le contrat de franchise

La crise sanitaire a soulevé une série de questions juridiques dans de nombreux domaines, notamment en droit du bail commercial où une question s’est posée à de nombreuses reprises : celle de savoir si par exemple un locataire commerçant était fondé à retenir tout ou partie de son loyer en raison du confinement.

La jurisprudence a ainsi mobilisé divers principes de droit afin de répondre à cette question en invoquant notamment l’abus de droit, l’exécution de bonne foi des contrats ou encore la force majeure.

La situation de l’imprévision doit être distinguée de celle de la force majeure visée aux articles 1147 et 1148 de l’ancien Code civil. Dans ces deux hypothèses, un évènement imprévisible, irrésistible et indépendant de la volonté des parties survient. La différence tient dans le fait qu’en cas de force majeure, le débiteur se trouve dans l’incapacité de remplir ses obligations en raison de la survenance d’un évènement et ne sera donc pas redevable de dommages et intérêts à l’autre partie contractante.

L’imprévision se définit quant à elle comme : « le déséquilibre des prestations réciproques qui vient à se produire, dans les contrats à prestations successives ou différées, par l’effet d’événements ultérieurs à la formation du contrat, indépendants de la volonté des parties, et se révélant tellement extraordinaires, tellement anormaux, qu’il n’était guère possible de raisonnablement les prévoir ».

La théorie de l’imprévision autorise la révision du contrat en cas de survenance de circonstances nouvelles, postérieurement à la conclusion du contrat, non imputables à la partie qui s’en prévaut, et lorsque ces circonstances ont eu pour effet de bouleverser l’économie contractuelle.

L’imprévision concerne donc des évènements qui affectent l’économie du contrat sans rendre l’exécution du contrat totalement impossible.

Alors que d’autres pays ont déjà intégré cette théorie dans leur ordre juridique (dont notre voisin français), aucune disposition légale, en droit belge, n’admet cette théorie.

Toutefois, la réforme en cours du droit des obligations avance à grand pas et une nouvelle proposition de loi portant le Livre 5 du Code civil a été déposée à la Chambre en février 2021.

Le Livre 5 (l’article 5.74 du nouveau code civil sur le « changement de circonstances ») viendrait ainsi consacrer la théorie de l’impression en droit belge bousculer les choses en la matière.

Ainsi, l’avant-projet de loi consacre la théorie de l’imprévision en autorisant désormais l’annulation et la résolution du contrat et confie au juge de nouveaux pouvoirs lui permettant de corriger des situations de déséquilibre contractuel.

Le projet permettrait ainsi à une partie de demander à son cocontractant de renégocier le contrat en vue de l’adapter ou d’y mettre fin si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

  • Un changement de circonstances rend excessivement onéreuse l’exécution du contrat de sorte qu’on ne puisse raisonnablement l’exiger ;
  • Ce changement était imprévisible lors de la conclusion du contrat ;
  • Ce changement n’est pas imputable au débiteur
  • Le débiteur n’a pas assumé ce risque ;
  • La loi ou le contrat n’exclut pas cette possibilité

Par conséquent, la consécration de la théorie de l’imprévision dans l’ordre juridique belge aura certainement un impact en matière de contrat de franchise, qui est généralement un contrat de longue durée dans lequel des circonstances imprévues et bouleversant l’économie générale peuvent survenir en cours d’exécution. Cette théorie permettra dès lors de le renégocier en vue de l’adapter.

La doctrine relève que le projet de loi fera probablement l’objet de nombreuses discussions lors de son application éventuelle par nos juridictions. Ainsi, les termes tels que « excessivement », « raisonnablement convenu » ou « imprévisible » seront incontestablement sujets à controverses et à interprétation. Dans le contexte actuel, on a pu observer que cela a notamment été le cas dans le cadre du contrat de bail commercial dans lequel de nombreuses difficultés étaient liées à l’interprétation de « circonstances nouvelles ». L’application de cette théorie dans le cadre du contrat de franchise n’échappera sûrement pas à de telles difficultés.

Patrick Kileste et Manon De Neubourg
KMS PARTNERS

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