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Presse

L’interdiction des ventes en ligne à la lumière de la récente affaire Rolex en France

Strelia

I.  Aperçu de la décision prononcée par l’Autorité française de la concurrence 

Le 19 décembre 2023, l’Autorité française de la concurrence a infligé une amende de 91,6 millions d’euros à Rolex pour avoir interdit à ses distributeurs agréés de vendre ses montres en ligne et ce, pendant plus de dix ans.

L’Autorité a identifié dans le contrat de distribution sélective conclu par Rolex France avec ses distributeurs l’existence d’une entente verticale restrictive de concurrence.

En vertu du contrat de distribution sélective et dans la pratique, Rolex interdit à ses distributeurs de vendre les montres en ligne. Rolex justifie cette interdiction des ventes en ligne par la nécessité de préserver sa réputation et de lutter contre la contrefaçon et la revente hors réseau.

L’Autorité française de la concurrence considère toutefois cette interdiction absolue de ventes en ligne disproportionnée par rapport à l’objectif – pourtant reconnu comme légitime – poursuivi par Rolex. Ainsi, les concurrents de Rolex, qui font face aux mêmes dangers, autorisent les ventes en ligne, moyennant le respect de certaines conditions.

Selon l’Autorité de la concurrence, ces pratiques sont « graves, car elles reviennent à fermer une voie de commercialisation, au détriment des consommateurs et des distributeurs, alors que la distribution en ligne connaît depuis quinze ans un essor croissant pour les produits de luxe, y compris les montres ».

Cette sanction intervient une semaine après que la même autorité a imposé au producteur de thé Mariage Frères une amende de 4 millions d’euros, également pour avoir interdit la vente en ligne de ses produits.

II. Les principes applicables

L’article 101 (1) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit les accords qui ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur le marché intérieur. Toutefois, l’article 2 (1) du Règlement n° 2022/720 crée une exception à cette interdiction pour certaines catégories d’accords verticaux, entendus comme les accords conclus entre deux ou plusieurs entreprises, opérant chacune à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et relatifs aux conditions auxquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services.

Les restrictions liées à l’utilisation de canaux de vente en ligne spécifiques peuvent bénéficier de l’exemption prévue à l’article 2 (1) du Règlement n° 2022/720, quel que soit le type de système de distribution utilisé, à condition :

–  qu’elles n’aient pas pour objet indirect d’empêcher l’utilisation effective de l’internet par l’acheteur pour vendre les biens ou services contractuels sur des territoires spécifiques ou à une clientèle spécifique, étant précisé que le fournisseur peut imposer à l’acheteur des exigences relatives à la manière dont les biens ou services contractuels doivent être vendus en ligne.

– que les parts de marché du fournisseur et de l’acheteur n’excèdent pas certains seuils.

III. Implications pour les réseaux de franchise 

De nombreux réseaux de franchise cherchent à tirer parti du commerce électronique pour atteindre un public plus large. Cela peut se faire par le biais de sites web de commerce électronique dédiés, d’applications mobiles, ou même par l’utilisation de places de marché en ligne.

Certains modèles de franchise se développent entièrement en ligne, éliminant ainsi le besoin d’une présence physique.

Cette tendance à intégrer des canaux de vente en ligne ou à développer des modèles numériques est alimentée par la demande croissante des consommateurs pour des expériences d’achat en ligne pratiques et personnalisées.

L’idée pour les réseaux de franchise est d’atteindre un public plus vaste et de s’adapter aux évolutions rapides du paysage commercial numérique.

L’affaire Rolex en France nous rappelle qu’il est impératif, au regard du droit de la concurrence, que franchiseurs et franchisés conservent la liberté de vendre en ligne.

Toutefois, les ventes en ligne ne peuvent se faire au préjudice de l’image du réseau du franchiseur. Les franchisés peuvent dès lors se voir imposer, le cas échéant, des conditions pour l’usage de leur propre site internet.

La gestion d’un site de vente en ligne peut être contraignante et coûteuse, incitant encore de nombreux franchisés à préférer contribuer au succès du site développé par le franchiseur, lequel en assure alors la gestion et le financement.

Cette affaire Rolex souligne l’importance pour les réseaux de distribution, en ce compris les réseaux de franchise, d’adapter leurs pratiques aux évolutions du commerce en ligne tout en préservant l’équilibre nécessaire entre liberté commerciale et protection de l’image de marque.

 

Cabinet Strelia

 

La décision 23-D-13 du 19 décembre 2023 est consultable ici.