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L’incidence des règles de droit international privé sur l’effectivité des dispositions de droit belge en matière de franchise

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Au fil des années, le droit belge s’est étoffé de nombreuses dispositions règlementant la vie contractuelle, en ce compris en droit des affaires. Certains de ces dispositions sont susceptibles de s’appliquer au contrat de franchise.

Il en est notamment ainsi :

  • D’une façon générale, de l’ensemble des dispositions du nouveau Code Civil relatives aux obligations contractuelles et précontractuelles, en ce compris, par exemple, les dispositions relatives aux vices de consentement,
  • Des dispositions du Code de Droit Économique relatives :
  • aux accords de partenariat commercial, notamment en ce qui concerne les obligations relatives à l’obligation d’information précontractuelle,
  • aux clauses abusives dans les relations entre entreprises,
  • à l’interdiction de pratiques commerciales agressives,
  • à la protection contre l’abus de dépendance économique,
  • à la résiliation unilatérale des contrats de concession de vente exclusive à durée indéterminée, si l’on considère qu’une franchise de distribution est en même temps constitutive d’un contrat de concession de vente exclusive, (sur ce sujet, voir nos deux dernières publications sur ce site).

Dans notre dernier article, nous avions analysé un important revirement de jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 7 avril 2022 a mis fin à la condition d’application du droit belge par les arbitres en tant que critère d’arbitrabilité des litiges relatifs à la résiliation des contrats de concession de vente exclusive.

Il paraît utile de se repencher sur les motivations de cette décision et sur l’impact beaucoup plus large que cette décision et les décisions antérieures, notamment de la Cour de Justice, qui la sous-tendent.

Il convient en effet de se rappeler que, en vertu du principe de primauté du droit international sur le droit national, toute disposition de droit national sera, en principe, écartée si les parties choisissent de soumettre le contrat au droit d’un pays de l’Union Européenne.[1] Cette primauté du droit étranger sur le droit national d’un partie connait bien sûr certaines exceptions.

Or, ces règles de droit international privé, et lesdites exceptions, ainsi que et la jurisprudence de la Cour de Justice y relatives ont-elles aussi évolué au fil du temps.

Ainsi, sous le régime de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le juge tenu d’appliquer une loi étrangère en vertu du choix des parties. Conservait néanmoins de « donne(r) effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application ».

Sur cette base, il est probable qu’un juge étranger ait pu accepter de respecter les dispositions impératives précitées de notre Code de Droit Économique.

Ce régime a cependant été modifié par le RÈGLEMENT (CE) No 593/2008 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) .

Ce Règlement définit la notion de loi de police comme étant une « disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement. »

Concernant la possibilité pour un juge d’écarter la loi choisie par les parties, Il précise également que « Il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l’exécution du contrat illégale. Pour décider si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet, ainsi que des conséquences de leur application ou de leur non-application ».

Il en découle que plusieurs des dispositions de droit belge précitées ne rentreront pas dans le cadre de ces exceptions possibles et ne pourront donc se substituer au dorit étranger choisi par les parties.

Il en va certainement ainsi de tout le droit des obligations, certainement des dispositions relatives à la résiliation d’un contrat de concession de vente, des dispositions relatives aux accords de partenariat commerciaux (encore que la question soit controversée) et probablement de l’interdiction des clauses abusives dans les relations entre entreprises.

Patrick Kileste
Avocat à l’Ordre français des avocats du Barreau de Bruxelles.

[1] Cass., 27 mai 1971, Pas., 1971, I, p. 914.