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Presse

La loi relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée déclarée applicable à un contrat de franchise de distribution

Le titre 3 du livre X du Code de droit économique (articles X.35. et suivants), qui reprend le régime prévu par la loi du 27 juillet 1961, prévoit une protection particulière en cas de résiliation unilatérale :

  • d’un contrat de concession de vente
  • exclusive, quasi exclusive ou imposant au concessionnaire des obligations importantes
  • conclu pour une durée indéterminée.

Le contrat de concession de vente est défini comme étant celui par lequel le distributeur achète et revend, en son nom et pour son compte, les produits contractuels.

L’application au contrat de franchise 

La question de savoir si la protection prévue par cette loi peut trouver à s’appliquer à un contrat de franchise fait l’objet de controverses doctrinales de longue date. Dans un jugement rendu le 10 mai 2022, le tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles tranche cette controverse en faisant application des dispositions protectrices des articles X.35 et suivants du CDE.

L’affaire concernait l’exploitation de trois points de vente spécialisés dans la distribution de produits de confiserie, chocolat et de pralines, commercialisés sous le nom de la marque du franchiseur pour lesquels 3 contrats distincts intitulés « contrat de point de vente de la marque X » avaient été conclus et avaient par la suite été résiliés par le franchiseur moyennant un préavis d’un an.   Les parties ne s’entendaient toutefois pas sur la qualification des contrats et par conséquent, sur les conséquences juridiques de la résiliation. Par ailleurs, le franchisé reprochait au franchiseur d’avoir ouvert, durant la durée du préavis, un point de vente situé entre deux des points de vente franchisés et réclamait sur cette base, une indemnité compensatoire de préavis.

La responsabilité du franchiseur pour avoir ouvert un point de vente situé entre les points de vente du franchisé

Le franchisé reprochait au franchiseur d’avoir commis une faute en ouvrant un point de vente situé entre deux des siens pendant la période de préavis tandis que le franchiseur estimait, quant à lui, ne pas avoir commis de faute étant donné que le contrat n’était assorti d’aucune clause d’exclusivité à sa charge. Le tribunal de l’entreprise estime que même si une telle clause n’existe pas, le franchiseur a, en agissant de la sorte, commis une faute en manquant au principe d’exécution de bonne foi des conventions et en vertu de ce principe, aux obligations de collaboration et de loyauté entre les parties qui l’obligeaient à ne pas perturber les prestations de son franchisé. Néanmoins, le tribunal estime que le franchisé ne rapporte pas la preuve de son dommage en lien causal avec la faute constatée du franchiseur et déclare la demande d’octroi d’une indemnité compensatoire de préavis non fondée.

La qualification du contrat

Le tribunal relève tout d’abord que les contrats en cause présentent toutes les caractéristiques du contrat de concession de vente notamment le fait que le distributeur achète pour revendre les produits fabriqués par le franchiseur. On rappellera pour autant que de besoin que l’article I.11 du CDE définit la concession de vente comme étant « toute convention en vertu de laquelle un concédant réserve, à un ou plusieurs concessionnaires, le droit de vendre, en leur propre nom et pour leur propre compte, les produits qu’ils fabriquent ou distribuent », ce sur quoi se fonde la décision du tribunal.

A ces caractéristiques, s’ajoutent également plusieurs caractéristiques du contrat de franchise de distribution, notamment pour ce qui concerne l’utilisation de la marque et de l’enseigne, l’assistance fournie et la transmission du savoir-faire.  Le tribunal précise dès lors que le régime juridique légal applicable aux contrats de concession de vente est applicable au contrat en cause dans cette affaire.   Il relève ainsi que la résiliation d’un contrat de franchise de distribution doit être soumise à la loi du 27 juillet 1961 pour autant que les conditions d’application de cette loi soient réunies. En effet, certains contrats de franchise de distribution comportent tous les éléments de la définition légale d’une concession de vente.

Conséquences en matière de résiliation

Etant donné qu’en l’espèce, les contrats de franchise sont soumis aux dispositions impératives de la loi du 27 juillet 1961, leur résiliation peut dès lors entraîner l’octroi des diverses indemnités légales.  En l’occurrence, le tribunal estime que la durée de préavis d’un an est raisonnable et qu’il n’y a pas lieu d’allouer une indemnité complémentaire de préavis.  Par ailleurs, le tribunal décide d’octroyer une indemnité de clientèle au franchisé car il établit avoir, principalement grâce à ses efforts, développé de façon notable la clientèle au cours de l’exécution du contrat et que cette clientèle restera acquise au franchiseur.   Le tribunal statue toutefois en équité et décide de modérer sa décision à la baisse en fixant le montant de cette indemnité ex aequo et bono.

 En conclusion, cette décision est particulièrement nuancée puisque, d’une part, elle considère que la reconnaissance de la spécificité du contrat de franchise ne peut pas se traduire par son affranchissement d’une législation impérative et protectrice de la partie faible lorsque les conditions d’application de cette loi sont réunies, comme l’est le titre 3 du livre X CDE mais use du pouvoir de statuer en équité que lui confère les dispositions ce titre 3 pour modérer le montant de l’indemnité de clientèle devant être payé au à ce franchisé requalifié concessionnaire.

 

Patrick Kileste
Cabinet KMS Partners