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Le document d’information précontractuelle simplifié simplifie-t-il vraiment la vie des franchiseurs ?

 I. Le principe : un formalisme réduit lorsque les parties se connaissent

Lorsqu’un contrat de franchise est :

  • modifié après deux ans d’exécution,
  • renouvelé, ou
  • qu’un nouveau contrat est conclu entre les mêmes parties,

la loi prévoit la remise par le franchiseur d’un document d’information précontractuelle (« DIP ») dit « simplifié », outre le projet d’accord, au moins un mois avant le renouvellement ou la modification du contrat.  Ce DIP simplifié ne doit contenir que les dispositions contractuelles importantes et les données nécessaires pour l’appréciation correcte de l’accord qui auraient été modifiées depuis la conclusion du contrat initial. Si aucun DIP n’avait été remis au franchisé à l’origine, il faudra inclure dans ce DIP simplifié les modifications intervenues depuis la date de conclusion du contrat de franchise initial.

II. En pratique : le succès mitigé du DIP simplifié

La pratique montre qu’en cas de modification du contrat ou de renouvellement du contrat de franchise, le franchiseur a tendance à adopter deux types d’attitude :

  • soit, il se contente de remettre un DIP complet dont il dispose déjà ;
  • soit, il ne remet aucun DIP.

1. La remise d’un DIP complet

L’article X.29 du Code de droit économique stipule :

« Ce document simplifié reprend au moins les données suivantes (…) ».

L’emploi de cette expression « au moins » laisse entendre que le DIP simplifié peut contenir plus d’informations que ce que la loi prévoit.

Il semble que, lorsqu’il a prévu la remise d’un DIP simplifié, le législateur a voulu simplifier en faveur du franchiseur le formalisme requis par rapport à ce qui est exigé lors de la conclusion de l’accord initial et éviter la remise d’un DIP complet contenant de nombreuses informations fastidieuses et onéreuses à rassembler pour le franchiseur. Ce formalisme semblait en effet excessif et imposer aux parties des frais inutiles. La remise d’un DIP simplifié était censée, dans l’esprit du législateur, permettre la réduction de ce formalisme et les coûts y liés et, ainsi, simplifier la vie des franchiseurs.

Toutefois, dans la pratique, les franchiseurs semblent se détourner de cette « facilité » offerte par le législateur.  En effet, puisque le franchiseur dispose déjà d’un DIP complet à jour destiné à être utilisé dans tout son réseau de franchise, il s’avère plus laborieux de le réduire (avec le risque de commettre des erreurs) plutôt que de le maintenir tel quel.

Le DIP complet – s’il est régulièrement mis à jour par le franchiseur au fil de l’évolution de son réseau – contient déjà par hypothèse :

    • les obligations importantes tirées du contrat de franchise qui est bien souvent un contrat identique utilisé de manière uniforme dans tout le réseau ;
    • les données (économiques, commerciales, de marché, etc.) pour l’appréciation correcte de l’accord, en ce incluse la mise à jour des données relatives aux marchés locaux dans lesquels le réseau est déjà implanté.

Le travail d’analyse économique et commerciale du réseau (permettant de rédiger un DIP conforme à la loi) demande un certain investissement du franchiseur, à la fois personnel, des ressources internes devant être affectées à cette tâche, et externe, des bureaux d’analyse et d’études de marché étant souvent sollicités pour recueillir les informations qui seront transmises aux candidats franchisés. Le maintien à jour de ces informations représente nécessairement un coût pour le franchiseur.

Si ce DIP complet – dont la rédaction a pu s’avérer coûteuse – est à jour, il sera alors plus simple pour le franchiseur de remettre ce document tel quel aux franchisés dont le contrat est renouvelé ou modifié, plutôt que de s’atteler à le simplifier.

La loi ne sanctionne pas la remise d’un DIP complet à la place d’un DIP simplifié. Dès lors, à quoi bon s’embarrasser à simplifier ce DIP ?

A la condition que le DIP complet remis au franchisé – avec le projet d’accord au moins un mois avant le renouvellement ou la modification du contrat – contienne les dispositions contractuelles importantes et les données pour l’appréciation correcte de l’accord de partenariat commercial modifiées depuis la conclusion du contrat initial (qui doivent à tout le moins se trouver dans un DIP simplifié), la loi sera respectée.

Rien n’empêche bien entendu que, d’une façon ou d’une autre, le franchiseur attire l’attention du franchisé sur les modifications apportées par rapport à la situation antérieure, afin d’éviter que le franchisé ne lui reproche plus tard que ces modifications étaient noyées dans les nombreuses informations d’un DIP complet de sorte qu’il ne les aurait pas identifiées.

2. L’absence de remise d’un quelconque DIP

En pratique, si le contrat de franchise arrive bientôt à échéance ou que la modification du contrat répond à une situation urgente, les parties pourront être en difficulté pour anticiper ce changement de situation et/ou pour observer un délai d’un mois à compter de la remise d’un DIP simplifié (ou non).   Les parties pourront, par ailleurs, perdre de vue ces formalités si une clause de reconduction tacite s’applique et que, par définition, le renouvellement du contrat de franchise n’implique aucune action particulière des parties.

En cas d’absence de remise d’un DIP simplifié au moins un mois avant la modification ou le renouvellement du contrat de franchise, le franchisé peut invoquer la nullité de l’accord tel que renouvelé ou modifié, voire du nouvel accord conclu, dans les deux ans du renouvellement, de la modification du contrat ou de la conclusion du nouveau contrat.

Pour l’heure, nous n’avons pas connaissance de décisions de jurisprudence qui auraient été prononcées sur l’application de cette sanction en cas de non-respect de la loi, spécifiquement à l’occasion de la modification ou du renouvellement d’un contrat de franchise.

La nullité a pour effet de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient si elles n’avaient pas conclu le contrat nul. Des compensations s’opèrent entre les prestations réciproques. La nullité ne peut pas permettre l’enrichissement d’une partie.

On peut penser que, si les modifications apportées au contrat sont minimes, la nullité de ces modifications n’aurait qu’un impact réduit. Il faudrait, en effet, considérer que le contrat de franchise en cours d’exécution n’a jamais été modifié. On s’en tiendrait alors à la situation antérieure. Souvent le franchisé n’aura pas intérêt à solliciter la nullité, bénéficiant lui-même des modifications, en tout ou en partie.

La situation pourrait s’avérer plus problématique si, à l’occasion du renouvellement du contrat ou de sa modification, des investissements importants ont été effectués par le franchisé et, le cas échéant, à la demande du franchiseur.  Si le contrat est arrivé à terme et que le contrat renouvelé est frappé de nullité, on pourra considérer que les parties sont déliées l’une envers l’autre depuis l’arrivée du terme du contrat précédent. Une telle situation pourrait présenter des difficultés pratiques, les parties ayant exécuté un contrat annulé a posteriori et devant, en théorie, être remises dans la situation dans laquelle elles se trouvaient au moment du renouvellement du contrat, et non au moment où le contrat initial a été conclu.

III. Comment échapper à ce formalisme ?

La loi permet d’échapper à ce formalisme en cas de modification (mais pas en cas de renouvellement) de l’accord exécuté depuis plus de deux ans, à la demande écrite du franchisé. Ainsi, si le franchisé est à l’origine de la modification de son contrat, il ne serait pas légitime à en demander la nullité ensuite.

Enfin, le franchisé peut toujours valablement renoncer au droit de demander la nullité de l’accord renouvelé ou modifié, comme c’est le cas pour l’accord initial. Cette renonciation doit être expresse, mentionner les causes de la nullité à laquelle il est renoncé et intervenir au minimum après l’écoulement d’un délai d’un mois suivant la modification ou le renouvellement du contrat.

Une autre solution consiste, dans les situations d’urgence ne permettant pas de respecter le délai légal, à conclure des contrats successifs. Une période d’incertitude subsiste mais elle est limitée. Un premier contrat modifié ou renouvelé, provisoire, est conclu sans attendre l’expiration du délai d’attente. Ce contrat est annulable. Un second contrat, reprenant les mêmes dispositions, est ensuite conclu, cette fois après la remise des informations précontractuelles et l’écoulement du délai légal. Ce second contrat ne sera pas annulable. Il est important que le franchisé conserve la liberté de conclure ou non ce second contrat, sans qu’il considère y être tenu, en fait ou en droit, en raison de la conclusion du premier contrat.

Cabinet d’avocats STRELIA