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Presse

Le franchiseur manque-t-il à ses obligations en implantant un nouveau point de vente dans la zone de chalandise du franchisé ?

Analyse d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 12 octobre 2023 (12ème ch., n° 22/02344)

Dans cette décision, la Cour d’appel de Versailles rejette les reproches d’un franchisé qui se plaignait de l’implantation d’un point de vente franchisé dans sa zone de chalandise.

Il est permis de se demander si cette décision est conforme à la bonne foi qui doit présider les relations contractuelles entre les parties à un contrat de franchise, que ce soit pendant les négociations précédant la signature du contrat que durant l’exécution du contrat.

Pour rappel l’article 5.16 du nouveau code civil belge prévoit que les parties se fournissent pendant les négociations précontractuelles les informations que la loi, la bonne foi et les usages leur imposent de donner, eu égard à la qualité des parties, à leurs attentes raisonnables et à l’objet du contrat.

De même, l’art. 5.73 du Code civil dispose que Le contrat doit être exécuté de bonne foi et que, en vertu de cet alinéa :

1° chacune des parties doit, dans l’exécution du contrat, se comporter comme le ferait une personne prudente et raisonnable placée dans les mêmes circonstances ;

2° nul ne peut abuser des droits qu’il tire du contrat.

Toute dérogation au présent article est réputée non écrite.

On peut aussi se demander si cette décision est conforme au Code de déontologie européen de la franchise. Par exemple, selon le tribunal de commerce de Bordeaux, l’installation d’un voisin concurrent par le franchiseur constitue un manquement grave aux obligations résultant du Code de déontologie de la franchise » (T. C. Bordeaux, 07/03/86, JurisData n° 1986-040984).

Pour répondre à ces questions, il faut examiner la décision et les motifs qui ont conduit la juridiction à la prendre.

Le contrat concerne un réseau de franchise actif dans l’entretien des véhicules automobiles. Il accordait une exclusivité au franchisé dans sa ville d’implantation. Mais la zone de chalandise dépasse la ville elle-même et le franchisé avait établi son plan financier sur cette zone de chalandise. Il avait du reste reçu une étude de marché de la part du franchiseur qui était réalisée sur la zone de chalandise. La Cour fait une distinction entre la zone d’exclusivité et la zone de chalandise. Le franchisé n’avait reçu le droit d’exclusivité que sur le territoire de sa ville d’implantation et pas au-delà. Le contrat était clair sur ce point. L’étude de marché n’était pas non plus équivoque : elle se basait sur la zone de chalandise exploitée par le précédent franchisé et non pas sur la zone d’exclusivité. Le consentement du franchisé n’a donc pas été vicié même s’il prétendait le contraire. Du reste, il connaissait les pratiques du franchiseur puisqu’il exploitait deux autres points de vente.

La décision est donc fondée sur des faits et un contrat très clair (si on en croit les motifs de la décision). La prudence s’impose cependant car la notion de bonne foi est une notion souple laissée à la discrétion du juge qui tient compte de tous les éléments du dossier. Le tribunal de commerce de Versailles a du reste décidé dans un autre dossier que le franchiseur ne respecte pas son devoir de loyauté quand il implante un nouveau point de vente dans la zone de chalandise d’un franchisé qui se trouve dans une situation difficile (8 mars 2016, n° 14/04091).

En droit belge, il ne faut pas oublier l’article X.32 du Code de droit économique : Les clauses de l’accord de partenariat commercial et les données du document particulier visé à l’article X.28, sont rédigées de manière claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause ou d’une donnée, l’interprétation la plus favorable pour la personne qui obtient le droit prévaut. Dans le cas d’espèce, il n’est pas impossible que le franchisé aurait obtenu gain de cause en droit belge s’il avait pu démontrer que la communication d’une étude de marché fondée sur la zone de chalandise plutôt que sur la zone d’exclusivité avait conduit son comptable à rédiger un plan financier sur base des données de cette étude.

Enfin, pour être complet, n’oublions pas que la création d’un site internet par le franchiseur n’est en général pas considéré comme l’ouverture d’un point de vente. De nombreuses décisions vont dans ce sens. Mais dans ce cas, les franchiseurs prennent souvent un accord avec leurs franchisés pour se partager le bénéfice de cet outil de travail. Le franchiseur n’a en effet jamais intérêt à agir contre les intérêts de ses franchisés.


Conclusion : en droit français comme en droit belge, le franchiseur a intérêt à rédiger de manière très précise le DIP et le contrat pour éviter de donner au juge, en cas de litige, la possibilité de constater un vice de consentement dans le chef du franchisé. En droit belge uniquement, la loi vient au secours du franchisé en cas d’imprécision du contrat ou des données du DIP par l’article X.32 du Code de droit économique.

Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
DBB Defenso

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