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Quand un franchisé peut-il contester le permis d’environnement d’un concurrent ?

Quand un franchisé peut-il contester le permis d’environnement d’un concurrent ? L’intérêt d’un intérêt commercial.

Des tiers pouvant prouver qu’ils disposent de l’intérêt requis peuvent contester un permis d’environnement. Jusqu’à l’été 2021, un intérêt commercial ne suffisait pas pour attaquer une décision d’octroi de permis d’une entreprise concurrente. Ces recours administratifs ou judiciaires étaient systématiquement rejetés, car irrecevables. Ainsi, la crainte de perdre des revenus ou des clients du fait de la création d’une entreprise d’une chaîne concurrente qui commercialise les mêmes biens que le franchisé à quelques dizaines de mètres de distance ne suffisait pas pour contester son permis. Un concurrent pouvait toutefois contester le permis d’une entreprise des environs, à condition de pouvoir également faire valoir un intérêt assorti d’une approche urbanistique. L’argument le plus souvent avancé était la crainte d’une nuisance pour la mobilité, du fait du (généralement) nouvel établissement.

Il existait une certitude absolue sur le fait qu’un simple intérêt commercial ne suffisait pas pour intenter un recours. Ce fait établi était en outre garant d’une jurisprudence plus claire, ayant pour conséquence que ces recours n’étaient pas très fréquents et que le titulaire du permis contesté pouvait dormir sur ses deux oreilles si un tel recours était néanmoins formé.

Dans un arrêt du 17 juin 2021 (n° 92/2021), la Cour constitutionnelle a mis un terme à cette certitude absolue : la Cour a confirmé que des concurrents peuvent eux aussi subir les conséquences négatives des décisions en matière de permis d’urbanisme, quand bien même ces conséquences sont de nature purement commerciale. Depuis juin 2021, un simple intérêt commercial suffit donc pour intenter une procédure d’agrément administrative. La Cour a toutefois souligné le fait que le juge du fond doit toujours être attentif à ce que le lien de causalité individualisé avancé entre les désavantages commerciaux évoqués et la décision d’octroi de permis contestée soit suffisant. En d’autres termes, le concurrent doit encore pouvoir démontrer que le permis contesté causera une nuisance ou un autre désagrément quelconque pour sa propre entreprise. Cette condition semble être souvent ignorée. Il en résulte qu’une action menée par un franchisé local a plus de chances d’aboutir que la même action intentée par son franchiseur, dont l’intérêt commercial est en effet (beaucoup) moins directement mis en péril.

Dans la pratique, nous constatons aussi clairement que des entreprises concurrentes ont commencé à contester leurs permis réciproques devant la Cour constitutionnelle avec une confiance accrue. Il n’est cependant pas rare que l’action ne soit pas formellement le fait du franchisé le plus proche d’une chaîne concurrente, mais que le franchiseur tire les ficelles en coulisse. De plus, il convient de remarquer que l’intérêt commercial est invoqué en tant qu’instrument stratégique pour mettre fin à l’attribution du permis au profit de concurrents, à tout le moins pour la ralentir afin d’obtenir une position de négociation plus favorable. En effet, le fait de saisir un recours administratif ralentit instantanément de six mois l’octroi d’un permis à un concurrent, étant donné la durée de la procédure administrative. Pour certaines parties, cela vaut déjà en soi le coût d’une procédure.

Puisque jusqu’à présent il n’existait que peu de jurisprudence sur le sujet, la question se pose de savoir si le tribunal administratif ou les autorités qui délivrent le permis peuvent également utiliser l’intérêt commercial comme argument pour refuser ou annuler une décision d’attribution de permis. La décision de la Cour constitutionnelle porte toutefois uniquement sur l’intérêt lors de l’introduction de l’action ; la question de savoir si de simples intérêts commerciaux sont également suffisants au titre d’intérêt dans un moyen d’annulation d’une décision demeure à ce stade sans réponse. Un intérêt commercial suffit par conséquent pour lancer la procédure d’agrément et éventuellement pour évoquer des griefs, bien que cela n’ait (actuellement) en effet pas pour conséquence directe l’obligation pour le pouvoir public qui accorde le permis de refuser ou d’annuler le permis du fait de la prétendue illégalité.

La Cour constitutionnelle ne s’est pas (encore) prononcée sur le sujet, mais il ne fait aucun doute que le dernier mot n’a pas encore été dit sur le sujet. Lorsqu’un commerçant souhaite contester le permis d’un concurrent sur la base d’un intérêt commercial, il lui est par conséquent recommandé de s’opposer également au permis d’urbanisme s’il veut s’assurer que le dossier ou la décision d’agrément soit respectivement refusé ou annulé avec certitude. Dans ce contexte, il est par ailleurs important de souligner que la réglementation et la jurisprudence exigent que les parties aient un intérêt aux moyens sur lesquels elles appuient l’illégalité du permis.

En résumé : depuis l’été 2021, un simple intérêt commercial suffit pour mener une procédure contre un permis. Bien que cela entraîne un retard de plusieurs mois pour le concurrent détenteur du permis, cela n’a pas pour conséquence directe le refus ou l’annulation de la décision d’attribution de permis contestée. Il n’est en effet pas certain qu’un simple argument commercial puisse être avancé pour que l’autorité responsable de l’octroi des permis refuse de l’accorder ou pour que le Conseil des litiges en matière d’octroi de permis annule le permis. Par précaution, des arguments en matière d’urbanisme sont par ailleurs toujours avancés dans la procédure (par ex. une nuisance sonore ou en termes de mobilité ou autre), arguments qui peuvent être associés à l’intérêt personnel.

Rami Nasser et Indira Vlami
Bureau d’avocats Schoups