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Benchmark des réseaux de franchise : 5 principes à retenir pour une bonne clause de reporting

L’évaluation comparative est un outil essentiel pour le développement et l’amélioration d’un réseau de franchise, et profitera aussi bien aux franchisés qu’aux franchiseurs. Un bon benchmark, qu’il soit financier et/ou opérationnel, présuppose la communication de documents et d’informations exacts et pertinents entre le franchisé et le franchiseur, ce qui idéalement organisé de manière claire et détaillée dans le contrat de franchise.  Comme il n’existe pas de règles spécifiques régissant ces clauses de reporting, les parties disposent d’une grande liberté pour en définir le contenu. Dans cet article, nous attirons l’attention sur 5 principes essentiels à prendre en compte lors de la rédaction d’une clause de reporting à des fins de benchmarking qui soit raisonnable, pertinente et valide au regard du droit belge.

Le franchiseur doit définir les documents et informations à communiquer pour le benchmark

Le franchiseur doit définir clairement les documents et les informations nécessaires pour pouvoir réaliser un benchmark correct et pertinent. Cela implique de déterminer d’abord le type de benchmark que le franchiseur a l’intention d’opérer (par exemple, un benchmark purement financier ou également opérationnel).

A notre avis, le franchiseur devrait énumérer spécifiquement les documents et informations dont il est certain d’avoir besoin pour réaliser son benchmark, par exemple : les comptes annuels, les chiffres de vente du mois précédent par catégorie de produits, les coûts salariaux mensuels, etc.

En outre, le franchiseur peut prévoir dans une clause générale distincte qu’il se réserve le droit de demander tout autre document et information qu’il juge nécessaire pour réaliser un benchmark afin d’améliorer le réseau de franchise, par exemple les résultats d’une opération promotionnelle spécifique. Si cette clause est utilisée de manière raisonnable et justifiée, elle ne devrait pas poser de problèmes aux franchisés.

La clause doit préciser les modalités de reporting

Il ne suffit pas d’énumérer les documents et informations à fournir par le franchisé, il faut également détailler les modalités de communication de ces documents et informations. Plus spécifiquement, une clause de reporting devrait au moins définir les éléments suivants :

  1. le format des documents et des informations à fournir (par exemple, par écrit, au format pdf, etc.) et les moyens de communication (via une plateforme ou un logiciel, par courrier électronique, etc.);
  2. qui supporte les coûts. Ceci est d’autant plus important si le reporting nécessite l’intervention de comptables agréés ou d’auditeurs, ou l’achat d’un logiciel spécifique ;
  3. la fréquence à laquelle chaque document ou information doit être communiqué (par exemple « à la demande du franchiseur», « à la fin de chaque mois/trimestre/année ») et la date limite à laquelle la communication doit être effectuée (par exemple « dans les 15 jours suivant la demande», « au plus tard le 7ème jour suivant la fin du trimestre précédent »);
  4. Enfin, il est important de définir les conséquences d’un manquement à l’obligation de fournir des informations ou de la fourniture d’informations incorrectes. Les sanctions classiques prévues dans le contrat de franchise (la plupart du temps, la résiliation du contrat) peuvent ne pas être adaptées à ce type de manquement. Il est donc conseillé de prévoir des sanctions spécifiques, raisonnables et graduées allant de l’avertissement ou de l’indemnité forfaitaire à l’exclusion du réseau (par exemple, en cas de faux en écriture).

Plus la clause de reporting est claire, précise et détaillée, moins il y aura de discussions entre les parties quant à son application.

La clause doit être raisonnable et non abusive

Cela va de soi, mais dans la pratique, nous faisons souvent face à des clauses de reporting qui sont excessivement lourdes pour les franchisés, en termes d’informations à fournir par les franchisés, de coûts que cela peut engendrer ou de droits que le franchiseur s’arroge.

Depuis le 1er décembre 2020, les clauses qui créent un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties sont considérées comme abusives et donc nulles. Les clauses de reporting totalement excessives et injustifiées ne sont pas à l’abri.

Le franchiseur doit donc être raisonnable, non seulement dans la définition des obligations de reporting, mais aussi dans l’application de la clause de reporting. Cela implique notamment de ne demander que les documents dont il a besoin et qu’il utilisera effectivement pour faire son benchmark, et de fixer des conditions équilibrées.

En tout état de cause, une clause de reporting devra être appréciée au cas par cas, car ce qui semble raisonnable pour un réseau de franchise peut ne pas l’être pour un autre. A cet égard, il est toujours conseillé de justifier par écrit la raison d’être et les objectifs de la clause de reporting, à la fois pour s’assurer qu’elle est bien comprise et acceptée par le franchisé et pour pouvoir la justifier auprès d’un juge en cas de litige.

Les parties doivent tenir compte des clauses connexes

Une clause de reporting ne doit pas être rédigée et appliquée de manière isolée et doit toujours prendre en compte les aspects connexes :

  1. si le signalement est susceptible d’impliquer des données à caractère personnel, le rôle et les responsabilités des parties devront alors être analysés afin de déterminer les mesures à mettre en place conformément au RGPD. En principe, la question du traitement des données à caractère personnel se pose au niveau global du réseau de franchise, et pas seulement pour la clause de reporting, dans la mesure où des traitements ont lieu à d’autres niveaux (fichiers clients, employés, cartes de fidélité). En tout état de cause, le franchiseur doit rédiger la clause de reporting et la clause de protection des données de son contrat de franchise de manière cohérente. Bien entendu, cet aspect n’est pas toujours pertinent : il est également possible que le reporting n’implique aucune donnée à caractère personnel, soit parce qu’il se limite à des informations financières telles que les comptes annuels, soit parce que le franchiseur reçoit des données correctement anonymisées ou agrégées.
  1. D’autres clauses peuvent entrer en ligne de compte dans le cadre de l’obligation de reporting, telles que des clauses de confidentialité ou des clauses protégeant les droits de propriété intellectuelle.

La clause doit être conforme au droit de la concurrence

Si le franchiseur exploite également ses propres magasins, il sera également un concurrent pour ses propres franchisés. Il s’agit d’un cas de double distribution, dans lequel le franchiseur est également actif en aval, concurrençant ainsi ses franchisés indépendants. La question se pose de savoir dans quelle mesure le franchiseur peut obtenir des informations financières et opérationnelles de ses concurrents dans un tel cas.

Le droit de l’Union européenne prévoit une exception pour les échanges d’informations dans le cadre d’un accord vertical dans un scénario de double distribution, autorisant un tel échange d’informations si les deux conditions suivantes sont remplies : (i) il est directement lié à la mise en œuvre de l’accord vertical et (ii) il est nécessaire pour améliorer la production ou la distribution des biens ou services contractuels. Les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales confirment que dans le cadre d’un contrat de franchise, il peut être nécessaire pour le franchiseur et le franchisé d’échanger des informations relatives à l’application d’un modèle économique uniforme dans l’ensemble du réseau de franchise.

Toutefois, ces lignes directrices énumèrent également les informations qui, en principe, ne remplissent pas les deux conditions susmentionnées.  Par exemple, il n’est pas permis au franchiseur de demander des informations relatives aux prix futurs auxquels les franchisés ont l’intention de vendre les biens ou services contractuels.

Conclusion

L’évaluation comparative est essentielle pour améliorer le réseau de franchise, dans l’intérêt du franchiseur et des franchisés. Pour ce faire, le franchiseur a besoin d’informations et d’un retour d’expérience de la part des franchisés sur le terrain.

Il est important que le franchisé adhère à cette obligation de reporting, ce qui implique qu’elle soit équilibrée, justifiée et uniforme dans l’ensemble du réseau, mais surtout que le franchiseur l’utilise pour fournir un bon benchmark à ses franchisés. Le franchiseur et le franchisé forment une équipe et doivent travailler ensemble sur le benchmark.

Mathieu Maniet

Cabinet d’avocats ALTIUS